Au sujet des loups garous

Le mot « garou » vient de « wari-wulf » (= « homme loup » en langue franque) qui a donné aussi werewolf en anglais. Comme le mot « loup » (wulf) ne se voyait plus dans « garou », on l'a encore rajouté devant plus tard. Il existe de nombreuses légendes françaises à ce sujet.

Pourquoi des hommes loups plutôt qu'un autre animal ? Parce que le loup ne peut être apprivoisé (sauf par Karine le Portier, pour ceux qui connaissent son spectacle), qu'il inspirait la crainte, alors qu'un autre animal qui lui était proche, le chien, lui, était le plus fidèle compagnon de l'homme.

Le loup-garou est donc apparu en trois temps :

1) des légendes ont couru sur des gens un peu sorciers qui parvenaient à apprivoiser les loups, et même à leur parler. Ils leur demandaient souvent d'aller s'attaquer au troupeau de moutons du voisin, ou à leurs ennemis. Pour parvenir à se rapprocher du loup, au début, ces sorciers se vêtaient d'une peau de loup, et se frottaient d'un onguent spécial qui leur donnait la même odeur (car les loups ont un odorat redoutable). On les appelait les « meneurs de loups ».

2) il est ensuite « apparu » que le fait de revêtir la peau du loup, et l'onguent, finissait par transformer réellement une personne en loup. Pendant la journée, quand le loup-garou ne portait plus sa fourrure, il restait connecté à celle-ci. Ainsi, l'un d'entre eux qui l'avait cachée dans un four (faut-il être bête !) ressentit-il de vive brûlures quand une brave femme vint faire du feu dedans et brûla la peau. Il y a aussi le texte inverse, où un homme devint frigorifié parce que sa « peau » avait été mise dans de la glace. Les procès en sorcellerie du moyen âge parlent de personnes devenues des loups-garous de cette manière.

3) enfin, il a été fait état de personnes qui devenaient des loups sans avoir rien demandé (ou si on leur jetait un sort). Au début on parla d'une transformation 3 fois par semaine, puis ce fut 3 fois par mois (les trois journées successives de la pleine lune). Un long poème de Marie de France, qui vivait au 12ème siècle à la cour d'Henry III Plantagenêt [roi d'Angleterre qui ne parlait que le français], raconte une telle histoire où l'affaire de la peau ou de la fourrure portée est inversée : le loup-garou, un chevalier, pour redevenir humain doit au matin des fameuses nuits remettre ses vêtements normaux, qu'il cache pendant la nuit. Sa femme, pour une raison un peu longue à expliquer ici, charge un jour quelqu'un d'aller voler les dits vêtements pendant l'une des nuits fatidiques, et le chevalier resta un loup, jusqu'à ce qu'il finisse par retrouver les vêtements (là l'histoire est un peu longue).

Le mythe actuel du loup-garou, enfin, semble être la convergence de deux traditions :

- celle du chamanisme dans laquelle l'esprit d'un humain pouvait pendant son sommeil le quitter pour s'introduire dans un animal. Ce dernier n'était pas nécessairement un loup, mais pouvait aussi être un oiseau, un ours etc. Pendant cette « fugue », il ne fallait pas déplacer le corps endormi, sinon l'esprit ne pouvait pas y revenir. Néanmoins, le corps animal n'était pas complètement distinct de l'humain car toute blessure qui y était infligée se répercutait sur l'autre. Cette tradition est arrivée en Europe occidentale par le Nord (Scandinavie, Allemagne).

- celle des légendes gréco-latines dans lesquelles l'humain devenait réellement animal en en endossant la peau. Dans ce cas, l'animal dominant est le loup (car ce fut le dernier animal vraiment sauvage dans le coin). Mais ces légendes devaient elles aussi provenir de plus loin, de traditions indo-européennes.

Cette convergence a ensuite été recouverte par le christianisme qui a assimilé ces transformations à des rites païens et donc diaboliques. Le loup-garou est devenu un « possédé », consentant ou non.

Les sources pour ce texte sont :

- les 2 premiers livres de Henri Dontenville ("Mythologie Française", 1950, 1972, 1998 et "Dits et récits de mythologie française", 1951, chez Payot)

- un texte sur l'esprit animal (référence à retrouver)


Yves Sagnier, août-septembre 2000.